Un héros, mais un héros sans vices, un héros exempt de tout péché, ou qui s'en est repenti avec sincérité. C'est cette pureté d'ailleurs qui garantit l'intercession directe auprès de Dieu. Car les saints sont les messagers des pauvres pêcheurs, le seul lien possible pour les gens du commun afin de faire entendre leurs prières.
La fabrication de cette armada d'ambassadeurs de Dieu s'est déclinée sur de nombreux siècles, sans doute pour des raisons politico-religieuses, depuis le 1er siècle apr. J.-C. Le christianisme naissant, dans son besoin d'effacer les divinités païennes au profit de figures chrétiennes, construit le mythe autour des martyrs.
Pureté et abnégation hissent ceux et celles qui choisissent les souffrances et la mort pour ne pas abdiquer leur foi au rang de la sainteté.
Saint Étienne (?-vers 37 apr. J.-C.), lapidé pour avoir préféré la foi au détriment de la loi, est le premier d'une longue série d'individus torturés à la gloire de Dieu.
On ne peut ignorer que sous leur emblématique humilité, les saints et les martyrs figurent à titre de héros quasiment divins. Il serait hypocrite de nier que dans plusieurs régions du monde, on leur voue un culte aussi puissant, aussi ponctuel que celui que l'on vouait aux anciens dieux païens. Seule l'abolition du sacrifice (humain ou animal) marque la différence.
Certains patrons, même dans nos sociétés modernes, se méritent encore des myriades d'offrandes (argent, bijoux, billets secrets, denrées, fleurs, pierres précieuses, etc.), comme cela se pratiquait au temps des idoles païennes.
Stratégiquement, la chrétienté place les fêtes des saints à des dates correspondant à d'anciens rites païens. C'est le cas de la fête de Jean le baptiste, dont on a calé la date au 24 juin, jour de célébration du solstice d'été chez les païens, et donc, fête d'une importance capitale.
Cette récupération permet à l'Église d'offrir à ses fidèles les mêmes moments de célébration que dans l'ancien monde des "idolâtres", greffant autour d'une nouvelle figure les instants de rassemblement essentiel à la collusion de la communauté.